Encore une fois, Fraiche Musique est parti à la recherche des nouveaux talents et la bonne musique. La relève : H-ill Tal, un nouveau rappeur venant de Paris à l’avenir très prometteur. Voila notre discussion de son parcours, sa musique et son futur dans le milieu de hip-hop.
1. D’où vient le nom H-ill Tal ? Qu’est-ce qu’il signifie ?
H-ill Tal ça vient de talon d’Achille, ça vient du film Troie interprété par Brad Pitt. Achille, c’est un gladiateur de la mythologie grecque.
2. Tu as des origines haïtiennes et tu as grandi sur Paris ? Quelle influence cela a-t’il porté sur ta vie et ta musique ?
Textuellement, ça joue beaucoup parce qu’il y a des mots typiques parisien, un univers typiquement parisien et d’être haïtien, ça joue beaucoup sur ma musique. C’est ce rôle là que ça, ça joue. Mes origines haïtiennes sont importantes pour moi, j’ai une petite fille de 21 mois et en fait j’aimerais aller là-bas avec elle. Ça fait peut être dix ans que je n’ai pas été en Haïti et j’aimerais lui faire découvrir la culture musicale car ils ont une culture musicale monstrueuse et c’est ce que veux inculquer à ma fille.
3. Comment ce sont fait tes débuts dans le rap ?
J’ai commencé en écrivant des bouts de phrase puis des textes, et après forcément quand on écrit, il faut bien le placer sur une bande sonore. Il faut savoir le faire et savoir que moi la première fois où j’ai passé un texte sur une bande sonore, c’était sur une prod extrait d’une compilation qui s’appelait « La Poudre rap ». C’était un bon beat mix et j’ai eu des bons retours. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à penser à une pseudo-carrière.
4. Peux-tu nous parler de tes premières collaborations et expériences sur scène?
La première collaboration que j’ai faite, c’était avec Alibi Montana. J’étais très impressionné car c’est quelqu’un de renom dans le milieu du rap. Je me disais est-ce qu’il va pas y avoir une différence de niveau sur le morceau ? Est-ce que ça va pas s’entendre avec, etc… Et au final j’ai écrit, j’ai fait un titre qui s’appelait «Soir ce» (ce soir). C’était pour la compilation des DJs Ian & Kader. Donc on a fait un featuring, il faut savoir que le titre a bien marché et voilà. C’est là que je me suis dit qu’il n’y avait pas de différence de niveau. Je rappe, je fais ce que j’ai envie de faire et les gens, ça leur plait ou ça leur plait pas.
Pour la scène, ma première date c’était au Dôme de Marseille, devant je crois 3.000 ou 5.000 personnes. Moi je suis quelqu’un de pas timide, de pas stressé donc ça s’est super bien passé. Voilà le public de Provence est un public très tolérant, c’est des gens qui vivent la musique et c’est une bonne chose.
5. Quels sont tes influences de musique française ou d’ailleurs ?
Mes références de musique française, dans le domaine de la variété c’est pas une personne qui a fait beaucoup de classiques. Je dirai même que c’est une nouvelle artiste, Zaz parce que j’aime bien son timbre de voix et si je devais faire une collaboration avec un artiste de variété ce serait lui.
6. Comment choisis-tu la prod d’une chanson ?
J’écoute les prods et j’écris au feeling. La prod, elle peut m’amener un thème. Ou alors des fois j’écris sans rien, j’ai une idée qui vient, je suis en voiture et j’écris.
7. Comment décides-tu les paroles, spontanément ou en avance ?
Pour les paroles, ça dépend. Ça peut venir comme ça, là je suis en train de parler avec vous, j’ai une ampoule qui s’allume, j’ai une idée et il faut que je l’écrive tout de suite pour pas la perdre.
8. Justement, qu’est-ce qui t’inspire en terme de thèmes ?
Je parle de choses que je vois, que je vis ou que des amis vivent, ce que mes proches ont vécu, des choses de la vie de tous les jours. J’ai un pote qui a perdu ses parents quand il était ado, qui a perdu ensuite ses repères. Je vais aborder ce sujet parce que je me sens concerné, parce que je sais de quoi je parle. Par son vécu, je sais manier le sujet et c’est le titre « Malik » de mon album.
Je peux aussi parler de la mère qui élève ses enfants seuls, c’est la même chose. C’est un sujet que je connais parce que moi-même, ma mère elle m’a élevé seule et que j’ai des amis qui ont été dans la même situation que moi. Donc je peux aborder ce sujet là, je peux parler de plein de choses tant que moi je maitrise le sujet, j’essaye de parler de choses que je connais et non pas de quelque chose que je ne connais pas.
9. On kiffe le son « Le retour de Paris 75 », qu’est-ce qui t’as inspiré pour l’écrire ?
Pour ce titre là en fait, je voulais montrer qu’il y avait une sorte d’unité parisienne, des rappeurs parisiens. Ça a été super difficile d’avoir tout le monde car il y a pas mal d’artistes en fait, je voulais vraiment réunir vraiment tous les artistes de la scène parisienne. On a été tourné chez eux avec une caméra, on a été dans leurs quartiers. Çà, ça n’ avait jamais été fait, de prendre ta camera et d’aller dans le quartier de l’autre pour tourner. Ceci dit parce qu’on sait qu’on n’est pas les bienvenus partout, il y a des gens qui n’acceptent pas. Il faut savoir que moi j’ai eu de problèmes avec personne donc j’ai pu tourner dans pas mal de quartiers, pas mal d’arrondissements. C’est une fierté, ce titre là. C’est dommage qu’il n’ait pas pu tourner comme il fallait mais c’est une fierté, vraiment, surtout le projet en lui-même, ça a été une fierté pour moi.
10. Plus récemment, tu viens de sortir un nouvel album « Là où ça était…je dois devenir ». Expliques nous ce titre, s’il te plait ?
En fait, c’est une phrase freudienne. C’est Freud, un philosophe, qui a écrit cette phrase dans un de ses livres. Je l’ai lu et il s’avère que quand j’ai lu cette phrase, ça m’a marqué. Je sais qu’elle est longue pour un titre d’album mais je voulais que ce soit ça car c’est conceptuel, et la « ça » représente l’inconscient. Concrètement, moi je suis quelqu’un qui marche au feeling et je suis « inconscient ». Je suis très spontané et là où mon inconscient a été, je reviendrai, c’est ça la définition de la phrase.
11. Les clips « Peace » et « Dans l’calme » avec M.A.S ont des drôles d’ambiance, c’était fun sur les tournages ?
Ah bah oui c’est toujours fun ! Moi sur les tournages, c’est toujours fun. De toute façon, je suis quelqu’un de fun. On va dire que pour « Peace » avec M.A.S, on a tourné dans des conditions difficiles parce qu’il faisait froid, on était encore en hiver. On a tourné dans un hangar en pleine nuit donc on était dans le noir. On avait un groupe électrogène pour l’éclairage, alors il y avait pas mal d’éclairage. Donc on était pas vraiment dans le noir mais on était dans un endroit où il n’y avait pas de lumière. C’était un gros gros hangar. Entre chaque prise, il fallait s’arrêter. Il faisait froid donc on était vraiment camouflés, c’était compliqué. Pour le clip « Dans l’calme », ça c’est plus fait dans des bonnes conditions parce qu’il faisait beau. On a tourné dans un dépôt, on a installé un décor, des éclairages. C’était très bien, ça a été plus facile en tout cas.
12. Tu as pu collaborer avec un tas d’artistes, dont Canardo, H-Magnum, Only One Star, M.A.S, V.R., Mac Tyer, Myma Mendhy et Taïro sur cet album. Comment ce sont faites, ces rencontres ?
Toutes ces rencontres, elles ont été faites hors contexte musical. On se connait plus ou moins par le biais d’amis en commun ou on s’est rencontré dans des concerts, dans des évènements. Enfin voilà, on s’est vu hors studio. En fait, soit le feeling est passé tout de suite, soit musicalement moi j’appréciais ce que l’artiste faisait donc j’ai proposé et après il a fallu qu’il écoute, voir ce que je fais, ça et c’est fait comme ça au feeling.
13. Parmi toutes ces collaborations, est-ce qu’il y en a une qui t’as été particulièrement touché ?
Celle avec Mac Tyer, ça a été un honneur pour moi de faire un titre avec lui parce que je me souviens quand j’étais plus jeune avec mon walkman, Mac Tyer, je l’écoutais. Mac Tyer et Taïro d’ailleurs, parce que Taïro à l’époque, il avait sorti un single aussi qui tournait bien, c’était pour la B.O du film « Taxi ». Ce sont des gens que j’écoutais quand j’étais plus jeune. Aujourd’hui, je me retrouve en featuring avec eux, ça ne peut être qu’un honneur. Les autres, je suis très admiratif de leur travail, de leurs parcours. C’est des vieux potes et j’espère au moins arriver à leur stade, si ce n’est pas plus, j’aspire à plus mais j’espère arriver au moins à leur niveau.
14. Peux-tu nous parler de ton clip « Exercice de Style » ?
« Exercices de style » je l’ai appelé comme ça car j’ai samplé un morceau de dance et j’avais envie d’essayer de voir ce que je peux faire sur un morceau comme celui-ci. Ça aurait pu être du zouk, du rai ou un autre style musical mais je me suis dit c’est un classique. C’est de la dance, je vais essayer de rapper dessus. C’est pour ça que je l’ai appelé comme ça, pour moi c’était un challenge.
15. Le beat d’ « Au Soleil » avec H-Magnum claque, on a vraiment beaucoup aimé ce titre. Où l’as tu tourné le clip et quel souvenir en gardes-tu ?
On l’a tourné à Marbella au Maroc. Je pense que c’est l’un de mes plus beaux souvenirs dans ma petite carrière qui commence parce qu’en fait on a tourné dans des bonnes conditions, on s’est bien amusés. C’est un clip qu’on a pris plaisir à tourner parce que ça s’est fait tout seul, tout se faisait naturellement. C’est comme si on prenait une caméra et qu’on vivait, voilà on pose la caméra et on continue à faire notre vie. C’est pour ça que ce clip là, ça a été l’un des clips les plus faciles que j’ai fait. Ça a vraiment été naturel, c’est à dire que tout ce qu’il se passe (à part les play-back) on fait face à la caméra, c’est du naturel. Et puis H-Magnum, c’est mon pote, c’est mon frérot, c’est un cran au dessus de tous les gens avec qui j’ai collaboré. On a un lien fort car il était de mon quartier à la base. Après il a déménagé dans le 20ème mais voilà c’est de l’amour.
16. Ces derniers temps, on a vécu plusieurs clash dans le milieu de rap français (Booba vs. Rohff et La Fouine ; La Fouine vs. Kamelancien ; Nessbeal vs. Medine ; etc.). As-tu pu éviter plus ou moins ces soucis ? As-tu des conseils pour nos artistes qui se battent ?
Personnellement, ça ne m’est jamais arrivé mais si ça devait m’arriver, je pense que je passerai pas par la musique pour expliquer ou faire comprendre les choses à l’artiste qui m’a clashé. Je pense qu’on est des adultes, s’il y a des choses à régler, on n’a pas besoin de passer par la musique et se faire entendre par un, deux, trois millions de personnes pour se faire comprendre. Ça évite aussi de créer des clans parce qu’il y aura forcément ceux qui seront des pro H-ill, par exemple et des pro l’artiste qui me clash. Forcément ça crée une sorte de rivalité de fans et ça prend des proportions énormes au final.
Concrètement, nous on est idolâtrés par des jeunes. Le message qu’on a à véhiculer, il doit être positif. Ce qu’il se passe entre artistes, ça reste entre artistes. Donc on devrait faire ça hors caméra. Le message que j’ai à faire passer pour les artistes qui sont confirmés ou ceux qui arrivent comme moi, c’est que s’il y a des clashs, on est des adultes, on a pas besoin de caméra. Pas besoin de musique, on s’explique comme des grands garçons ou des grandes filles.
17. Quels artistes écoutes-tu en ce moment ?
En ce moment j’écoute du rap américain, parce qu’ils sont en avance. J’écoute de la variété aussi parce que textuellement, conceptuellement ils ont des trucs. Le nouvel album de Daft Punk, c’est de la folie aussi. J’écoute beaucoup Rick Ross parce que c’est quelqu’un qui est productif, le mec il lui arrive avec des concepts de malade. Ces gens là je crois qu’ils dorment en studio. Voilà moi j’écoute ces gens là parce qu’ils sont perchés. En fait, pour être un artiste, il faut être perché. Moi je le suis pas assez donc j’essaye d’écouter un peu, pour trouver des concepts, des trucs. C’est important, c’est pour ça que j’écoute ces gens là. Il y a M, par exemple. M, il est perché. Renaud, il est perché.
18. La prochaine étape pour H-ill Tal ?
Musicalement, j’ai déjà entamé un projet et je vais pas m’arrêter maintenant. Je commence et j’aspire à défendre tous ces projets sur scène un peu partout. Là, je pars au Maroc, du 14 au 17 juin pour tourner un clip. Ensuite à partir du 23 juin, je tourne un morceau avec Mac Tyer. Puis je vais donner la force à H Magnum sur son clip en featuring avec Black M. Puis je pense qu’on va arrêter un petit peu, peut être qu’il y aura des concerts. Je rentre en studio mi-août et on réalise le projet avec H Magnum qui s’appelle Prolifik. Voilà, on est chauds !
Interview réalisée par Vanessa Saksik et Aaron Phillips
Photos : Agence Rise Up
Remerciements à H-ill Tal et Agence Rise Up